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Rendez-vous avec le vigneron Olivier Villaneuva AOP Faugères

Propos recueillis par Flore Olivieri,

Capitaine Villaneuva

Olivier Villaneuva – Mas OnĂ©sime

OnĂ©sime : tel Ă©tait le prĂ©nom de son grand-père. Et nommer son domaine « Mas OnĂ©sime Â» : tel fut l’hommage qu’il lui fit au moment de sa crĂ©ation Ă  Cabrerolles en 2011. Ce domaine, il le mène comme un bateau sur l’ocĂ©an parfois tumultueux du monde viticole : il lui a donnĂ© un cap – celui de l’excellence, il tient fermement la barre. Rencontre avec un enfant du pays solidement ancrĂ© dans le FaugĂ©rois tout en ayant toujours eu l’âme d’un dĂ©couvreur, et peut-ĂŞtre mĂŞme celle d’un capitaine : Olivier Villaneuva.

A l’âge de douze ans, vous conduisiez dĂ©jĂ  le tracteur de votre père pour l’aider Ă  labourer ses vignes. Ça a suscitĂ© votre vocation ?

Je m’en souviens bien : l’embrayage du tracteur Ă©tait tellement dur qu’il me fallait y appuyer de toutes mes forces ! (Rires). Ce sont de bons souvenirs. Une vie Ă  la campagne, au rythme des saisons et des cultures qui se succĂ©daient : vignes, oliviers, cognassiers. Mais comme j’avais un peu l’esprit de contradiction, Ă  partir de l’adolescence, j’ai laissĂ© entendre Ă  mon père que je ferais autre chose. En rĂ©alitĂ©, je crois que je ne l’ai jamais envisagĂ© sĂ©rieusement. Le projet de m’installer en cave particulière m’a toujours trottĂ© dans la tĂŞte. Mais il est certain que je voulais ĂŞtre vigneron « autrement Â», et ça m’a mĂŞme traversĂ© l’esprit de le faire… ailleurs !

Ah bon ? OĂą auriez-vous aimĂ© vous installer ?

En fin de compte, nulle part ailleurs ! (Rires). Mais il y a une Ă©poque oĂą j’ai ressenti le besoin viscĂ©ral de partir parce que j’avais l’impression de vivre en dehors du monde oĂą les choses se passaient rĂ©ellement. J’adore la campagne, mais j’ai rĂ©gulièrement besoin de prendre des bains de ville : j’aime que les choses bougent, pulsent, bouillonnent. J’étais particulièrement attirĂ© par le « Nouveau Monde Â», l’idĂ©e de terres vierges, neuves. Du coup, je suis effectivement parti pendant près de deux ans pour travailler successivement Ă  Châteauneuf-du-Pape, en Afrique du Sud et surtout au Chili. J’y ai beaucoup appris et c’étaient de belles aventures ! Mais les vignes de Faugères, c’était toute la vie de mon père : je n’aurais jamais pu lui faire ça ! Ça ne m’empĂŞche pas de continuer Ă  faire de belles dĂ©couvertes puisque le mĂ©tier me permet de voyager et de dĂ©guster des vins qui viennent du monde entier au grĂ© de mes rencontres… Et au final, c’est un fait avĂ©rĂ© : Ă  Faugères on arrive Ă  faire des vins superbes tout en conservant une belle diversitĂ© !

Et c’était important pour vous de pouvoir faire de grands vins ?

Évidemment. Je vis pour ça. C’est exactement la raison pour laquelle j’ai crĂ©Ă© le Mas OnĂ©sime en sortant au dĂ©part sept hectares du système coopĂ©ratif dans lequel est engagĂ© le reste de la propriĂ©tĂ© de mon père : je voulais maĂ®triser l’élaboration du produit fini, avec ma sensibilitĂ©, mon goĂ»t. J’aime les vins qui allient joli fruit et grande buvabilitĂ©, mais qui ont en mĂŞme temps de la profondeur, une finesse de grain, de la classe. Il y a d’ailleurs des parcelles que je vendange en deux temps pour parvenir aux maturitĂ©s aromatiques et phĂ©noliques que je recherche. Du coup, en cave, j’ai une multitude de petites cuves que je me rĂ©gale de goĂ»ter pour sĂ©lectionner les meilleurs assemblages : je cuisine ! (Rires).

Qu’y a-t-il de particulier en Faugères pour y parvenir ?

Il y a de nombreux points communs entre tous les terroirs du Languedoc, mais avec des variations qui ont leur importance. Ici, bien sĂ»r, il y a d’abord les sols de schistes. Ils induisent notamment cette minĂ©ralitĂ© et cette aciditĂ© ressentie qui vient Ă©quilibrer le caractère solaire des vins, leur donner une belle buvabilitĂ©. C’est encore accentuĂ© par les nuages et la petite rosĂ©e qui, retenus sur les zones d’altitude Ă  flanc de montagne, contrebalancent la faible hygromĂ©trie. Ensuite, le vent du nord et la prĂ©sence de bois de garrigue « tampons Â» protègent naturellement le vignoble des maladies. Ça facilite le travail en bio, l’utilisation moins frĂ©quente de produits de protection.

Vous avez converti les vignes du Mas OnĂ©sime Ă  l’agriculture biologique quasiment dès votre installation. Il Ă©tait important pour vous de vous affranchir des pratiques du passĂ© ?

Très important mĂŞme. On n’est que des passeurs, donc il faut penser aux gĂ©nĂ©rations futures. Par ailleurs, Faugères est aussi un terroir fragile du fait que la roche-mère de schiste affleure rapidement : les zones de nutritions de la plante sont naturellement rĂ©duites. Elles ont elles aussi Ă©tĂ© encore davantage fragilisĂ©es par les pratiques de la gĂ©nĂ©ration prĂ©cĂ©dente qui traitait fort. Je ne lui jette pas la pierre, c’était l’esprit de toute une Ă©poque. Mais il y a encore du boulot pour arriver Ă  endiguer l’appauvrissement en matière organique et l’acidification des sols. Depuis mon installation, je cherche Ă  trouver deux Ă©quilibres : l’équilibre agricole et l’équilibre Ă©conomique. C’est un long travail, mais c’est seulement ensuite que je pourrai lancer le vĂ©ritable « projet Â» agricole, celui qui fait qu’on avance et qui dĂ©finit vĂ©ritablement l’identitĂ© d’un domaine.

Vous avez d’ailleurs entamĂ© une conversion Ă  la biodynamie en 2019. C’est cela votre projet ?

Non, la biodynamie n’est encore qu’une Ă©tape dans la recherche de cet Ă©quilibre. Je suis des formations, j’ai creusĂ© des fosses pĂ©dologiques, je me fais accompagner par un spĂ©cialiste et j’apprends un nombre choses inouĂŻ : ça me permet avant tout de renouer en profondeur avec mes terres et de diffĂ©rencier mes pratiques sur les parcelles. Je ne suis pas un grand fan des labels, au sens oĂą ils sont souvent des petites vignettes qui font joli et qui permettent de vendre mieux auprès de certaines niches. Je ne crache pas sur cet avantage, soyons honnĂŞtes. Mais Ă  la vigne comme en cave, je refuse de faire des choses juste pour ĂŞtre « tendance Â» si c’est au dĂ©triment de la qualitĂ©. Et ce que je trouve vraiment intĂ©ressant dans la biodynamie, c’est la dĂ©marche intellectuelle qui consiste Ă  mieux comprendre, Ă  ĂŞtre toujours plus attentif. Je suis persuadĂ© que cela peut justement porter mes vins vers un niveau de qualitĂ© encore supĂ©rieur.

Mais alors, le projet agricole…. Quel est-il ?

Il se construit doucement. Rien n’est encore vraiment arrĂŞtĂ©. J’ai donnĂ© un cap, mais je prĂ©fère ne pas m’avancer sur le reste : j’aime faire ce que je dis. Mais en rĂ©alitĂ©, la destination est perpĂ©tuelle : l’excellence de mes vins. Parce qu’au fond… on peut toujours faire mieux !

Soyez sympa, dîtes-nous en plus quand même…

(Rires) Rien n’est encore certain, je vous dis ! Bon : je pense très sĂ©rieusement Ă  l’enherbement semĂ©. Dans l’objectif de maĂ®triser les pousses spontanĂ©es et de faire des engrais verts bĂ©nĂ©fiques Ă  la vie microbiologique. Parce qu’attention ! Je ne suis pas pour le non-labour total qui me semble au contraire finir par compacter les sols. Et puis Ă  plus long terme, j’aimerais construire une belle cave de vinification. Écologique et qui s’intègre bien dans le paysage. Ou qui ne sera peut-ĂŞtre pas belle du tout parce qu’on ne la verra pas et qu’elle sera complètement troglodyte. « On se sait pas Â»â€¦ ! (Rires)

INTERVIEW «  CA C’EST VRAIMENT TOI, OLIVIER ! Â»

Si tu Ă©tais une plante du vignoble ? Facile : un olivier ! (Rires) C’est rĂ©sistant !

Une cuvĂ©e de confrère faugĂ©rois Ă  conseiller ? Felgaria, du Domaine de CĂ©bène.

Un domaine d’ailleurs qui te fait vibrer ? Château Beaucastel Ă  Châteauneuf-du-Pape

Un accord Musique & Vin Ă  suggĂ©rer ? Bob Marley avec un verre d’Insoumis Ă  l’apĂ©ro.

Ta devise ? Tout vient Ă  point Ă  qui sait attendre.

Le vin, c’est plus qu’une boisson, c’est… ? Un art de vivre !

Si tu Ă©tais un hashtag ? #OnYCroit !

Si tu Ă©tais un cĂ©page ? Le Cinsault : Fragile mais plein de ressources.

Ce qui te met des Ă©toiles dans les yeux ? Les projets !

Ce qui te fait enrager ? Voir des gens qui ne se comprennent pas…

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